J’ai rencontré la semaine dernière un client que je n’avais pas revu depuis quelques temps… Quand était-ce exactement, l’été passé ? Celui d’avant ? Avez-vous déjà eu cette impression d’avoir passé ces derniers mois sans vraiment les avoir vécus ?
Depuis le début de cette crise, et pour la plupart d’entre nous, les cicatrices de la pandémie se manifestent dans nos vies quotidiennes et dans notre travail. Ses conséquences se font ressentir de diverses manières : des déceptions aux regrets en passant par des doutes, voire de la tristesse pour ce qui a été perdu. Sans oublier la fatigue ressentie qui va au-delà de la fatigue physique. Nous avons tous envie de revenir à une vie « normale », mais nous redoutons peut-être de revenir à certains schémas et méthodes de travail. Le retour en arrière est-il possible, est-il souhaitable ?
Les choses cassées n’ont pas besoin de le rester
Cette période a-t-elle simplement amplifié les insatisfactions, anxiétés et insécurités qui existaient auparavant ? Jamais autant de personnes ont changé de métier, se sont lancées dans d’autres projets… On parle de « Grande Démission » aux US : https://www.letemps.ch/economie/grande-demission.
Les choses cassées n’ont pas besoin de le rester. La cassure peut être le point de départ de la beauté. Avez-vous entendu parler de cet art le Kintsugi (ou Kintsukuroi) ? C’est une technique ancestrale japonaise qui vise à donner une seconde vie aux objets. Cet art consiste à réparer des objets en porcelaine ou en céramique brisée afin de mettre en valeur leurs fissures en comblant les fentes avec de la poudre d’or. L’objet a plus de valeur qu’avant – et pas seulement à cause de l’or, mais surtout par le soin apporté à sa restauration.
Que nous enseigne cette période professionnellement?
Alors vous? Qu’avez-vous appris pendant cette période? Avez-vous découvert de nouvelles méthodes de travail, un nouvel emploi ou d’autres changements qui amélioraient votre façon de vivre et de travailler ? Pour ma part, je suis devenue plus prudente. J’ai mis mon égo au vestiaire et me concentre sur l’essentiel. Je ne veux plus de grandes équipes, de bureaux dans toute la Suisse, mais une équipe performante et une façon de travailler plus agile encore. Je m’écoute plus également, je sais quelles sont mes limites et quand il me faut dire stop…
Et d’un point de vue personnel?
Certaines choses dans nos vies ont été fracturées ou ébréchées, comme notre confiance ou notre motivation. Dans un monde de surconsommation et d’objets jetables, il est facile de valoriser le neuf. Il est facile de négliger la valeur des choses réparées. Mais l’art du kintsugi nous rappelle que le réparé et l’intemporel peuvent s’avérer plus beaux que du neuf. Les gens ne sont pas des objets. Lorsque nous changeons, nous apprenons. Lorsque nous luttons, nous grandissons. Lorsque nous réparons nos vies, nous acquérons une nouvelle force et gagnons en sagesse, en beauté et en ressortons plus forts qu’avant.
En nous débarrassant de ces couches inutiles, nous allons vers des liens sociaux plus qualitatifs et plus authentiques. L’or qui nous sert à réparer nos fissures n’est autre que la bienveillance et la gentillesse, envers les autres mais avant tout envers soi-même.
Ayons donc l’audace de faire ce parallèle avec le kintsugi et transformons en beauté nos ruptures
Nathalie Brodard
Article dans le Temps